Photos des Pyrénées
Par Biscarrosse TV le Déc 15, 2021 | Dans Photos
La nature nous offre souvent de merveilleux spectacles et celui-ci est sans conteste l?un des plus beaux, parmi tous ceux dont nous avons la chance de pouvoir profiter dans notre beau Pays de Born. Une espèce de voyage dans l?immensité de l?horizon, comme si nous étions des géants chaussés de nos bottes de sept lieues qui abolissent la distance. La sensation de franchir d?un simple coup d??il un espace sans bornes.
Ainsi pendant les mois d?automne et d?hiver il est des jours, de la mi-octobre à la mi-mars, durant lesquels les conditions atmosphériques nous révèlent les sommets pyrénéens. Ce phénomène assez ignoré et qui provoque l?incrédulité de certains est pourtant une réalité bien connue des autochtones et relaté depuis longtemps. Félix Arnaudin a notamment écrit à ce sujet des pages d?une grande poésie. Depuis les plages de Contis ou de Mimizan Larrun (La Rhune) et les autres sommets basques apparaissent régulièrement. Les montagnes de l?intérieur, vers l?Est de la chaîne, également, quand on sait d?où, quand et comment les observer.
Même si cela peut surprendre, c?est possible depuis Biscarrosse aussi. Le panorama se révèle à l?aube mais aussi en fin de journée, entre 30 et 45 minutes avant le coucher du soleil. Les conditions requises sont très précises. Il faut bien entendu que le temps soit bien dégagé, au moins sur les montagnes (les nuages d?altitude sur les Landes ne sont pas un obstacle), que le vent souffle de l?Est, du Sud-est ou du Sud et que la température soit inférieure ou égale à 15-20°.
Depuis les rives de l?étang de Biscarrosse-Parentis, au lieu dit Lous Pioous, plus connu aujourd?hui sous le nom de Latécoère, on les aperçoit très nettement à l??il nu et encore mieux si on se munit d?une paire de jumelles. L?endroit libre d?accès le plus approprié est Le Taron (29 mètres d?altitude), là où se trouve l?ancien poste Est d?entrée du CEL, après le cimetière et en allant vers les Hourtiquets. Il existe deux lieux où le panorama est encore plus spectaculaire, ce sont les dunes de Pin Courbey (60 mètres d?altitude) et celles de Lesbert (55 mètres d?altitude) qui se trouvent dans le CEL et sont donc inaccessibles, hors autorisation spéciale. Au bord de l?océan on voit théoriquement Larrun depuis le Sud de la commune, en limite de Gastes, mais l?endroit est également inaccessible car en pleine zone militaire.
Depuis ces endroits au bord de l?étang on peut observer tous les sommets dont l?altitude dépasse 2000 mètres et qui sont à moins de 200 kilomètres, entre le Pic d?Orhi à l?Ouest (altitude de 2017 mètres, distant de 156 kilomètres, à 175° sur l?horizon) et le Pic d?Ardiden à l?Est (2988 mètres, 195 kilomètres, 152°). On voit parfois le Pic du Midi de Bigorre (2876 mètres, 194 kilomètres, 146°). L?horizon pyrénéen qui s?offre à nous est donc de 93 kilomètres d?Ouest en Est, c'est-à-dire moins du quart de la chaîne.
Cependant, les sommets les plus visibles et facilement observables sont ceux qui se situent entre le Pic d?Anie/Auñamendi (2504 mètres, 165 kilomètres, 167°) et le Vignemale (3299 mètres, 198 kilomètres, 154°). D?Est en Ouest on voit ainsi tous les sommets de plus de 2000 mètres entre le Vignemale et le Lurien (2826 mètres, 183 kilomètres, 158°). Ensuite on voit le Pic du Midi d?Ossau (2884 mètres, 182 kilomètres, 161°) et le Pic de Sesques, aussi appelé Escarpu (2606 mètres, 172 kilomètres, 162°). Enfin le Pic d?Anie et le Pic d?Orhi.
Entre le Pic de Gabizos (2637 mètres, 177 kilomètres, 155°) et le Lurien (2826 mètres, 183 kilomètres, 158°) on obtient la plus belle photo avec un bon téléobjectif, mais l?horizon observé est d?à peine 11 à 15 kilomètres d?Ouest en Est pour un angle de seulement 3° (ce qui permet néanmoins un zoom spectaculaire). On voit tous les sommets sur l?horizon, sans interruption et dans la profondeur, avec le Balaïtous qui paraît le plus haut du fait de l?altitude (3146 mètres) et de la distance (187 kilomètres, donc plus proche que le Vignemale). On reconnaît également le Pic Palas avec sa forme caractéristique sous cet angle (2613 mètres, 175 kilomètres).
Un site allemand appelé Generate a Panorama permet de visualiser cet horizon avec les noms de tous les sommets. Il s?agit d?un calculateur qui tient compte de l?altitude du point d?observation, de celle du point observé, de la distance entre les deux et qui prend en considération la courbure de la Terre. Donc, toutes les montagnes dont l?altitude est inférieure à 2000 mètres et dont la distance par rapport à Biscarrosse est supérieure à 200 kilomètres ne sont théoriquement pas visibles à l??il nu. Quand on les observe, ce qui arrive parfois, il ne s?agit plus d?une vue directe mais d?un mirage supérieur, rendu possible par un phénomène de réfraction. Mais cette vision est fugace et fluctuante, avec une instabilité visible à l??il nu (l?image semble danser) et elle ne dure pas plus de quelques minutes. Une vision directe est observable pendant pratiquement une heure et ne varie pas, ce qui est le cas des photos prises par Cédric Daudon les 19 novembre et 13 décembre 2021.
La vue calculée sans zoom par le site Generate a Panorama
(ce qu?on voit à l??il nu)
La vue avec zoom juxtaposée à l?image calculée par Generate a Panorama
(c?est aussi ce qu?on voit avec une paire de jumelles basique)
Mes expériences « pyrénéennes » depuis le nord des Landes
-Le 23 décembre 2012 en fin d?après-midi, avec ma fille, depuis les hauteurs de Pin Courbey.
-Le 22 décembre 2016 en fin d?après-midi, avec un ami, depuis les hauteurs de Lesbert.
-Le 20 novembre 2019 en fin d?après-midi depuis Ligautenx (Lüe).
-Le 24 décembre 2019 en fin d?après-midi depuis Mimizan, avec ma fille qui a fait une photo de Larrun et des autres montagnes basques avec son téléphone.
Larrun (La Rhune) et les montagnes basques de Labourd, Guipuzcoa et Biscaye vers le Sud-sud-ouest
-Le 18 décembre 2020 à 14h30 depuis la dune de l?église à Mimizan-Bourg.
-Le 19 janvier 2021 à 17h depuis le pont sur la voie ferrée au lieu-dit Tuyas, Lüe. Le même jour entre 17h30 et 17h45 depuis Latécoère (Lous Pioous).
-Le 15 février 2021 vers 18h depuis Le Taron avec mon voisin.
-Le 14 octobre 2021 vers 19h au Taron, avec Cédric Daudon et Marie Dubos.
Vue vers le Sud-sud-est. De gauche à droite massif du Balaïtous, Pic Palas, Arriel et Lurien, Ossau et Sesques
-Le 24 octobre 2021 à 8H au Taron.
- Le 19 novembre 2021 en fin d?après-midi, au Taron. Vues et photographiées par Cédric Daudon.
Vue panoramique vers le Sud-sud-est. Depuis le Pic de Gabizos à gauche jusqu?au Lurien à droite
Au centre le Pic Balaïtous et le Pic Palas
Zoom de la vue précédente
Le Pic du Midi d?Ossau et le Pic de Sesques le même jour
Le Pic d?Anie le même jour
-Le 13 décembre 2021 au Taron, de 16h 40 jusqu?à la tombée de la nuit en compagnie de Marie Dubos et de Cédric Daudon qui les a photographiées.
Je les ai également vues régulièrement plus au sud : depuis Escource, Onesse, Castets, Lit-et-Mixe, Contis, Luxey, Labrit. Généralement à l?automne et en hiver.
Vues encore une fois depuis Bernos-Beaulac en août 2021.
Voici les lignes écrites par Félix Arnaudin à l?époque de la lande vaste et nue de nos ancêtres (in Choses de l?Ancienne Grande-Lande, Honoré Champion éditeur, imprimerie Paul Lambert, p. 76 et 77)
« Et sûrement il n?y a guère de points dans la lande d?où l?on puisse mieux admirer le merveilleux spectacle qui vient la transfigurer à certains moments : c?est, un beau matin, surgie comme par enchantement d?un ciel pur du moindre nuage, la chaîne pyrénéenne tout entière idéalement détaillée de Perpignan à Fontarabie[1], sans parler des vagues formes bleuâtres qui s?estompent à la suite, en fuite vers Bilbao ou plus loin par delà) : où il n?y avait rien la vielle au soir sur le fond clair de l?horizon, subitement, dépaysant complètement le regard, en fine miniature s?est posée la montagne, avec le féérique resplendissement au beau soleil de ses neiges d?argent, avec toutes ses douces magnificences de lumière et de couleur singulièrement avivées et mises en saillie par l?immensité de l?aire rase ambiante, avec surtout l?extraordinaire et presque pesante sensation de proximité dont on est saisi physiquement, la première fois, à la vue de l?inattendu tableau : on ne saurait sans l?avoir eu devant soi s?en faire la plus faible idée, et un étranger tombé sans avertissement en présence de cette lourde muraille d?un bleu sombre allongé à cette place habituellement nue, jurerait qu?une demi lieue à peine le sépare de sa base.
J?ai cent fois pour mon compte constaté le prestigieux phénomène, et toujours la notion que j?avais de l?énorme éloignement réel de la chaîne me laissait stupéfait ....je peux ajouter que les bergerots de la lande étaient quelquefois lents à la croire possible et à s?y familiariser eux même. J?ai connu un vacher montagnard, me disait le vieil échassier, qui m?a souvent montré en souriant, mais les yeux mouillés un peu tout de même, en me la décrivant, la vallée où il était né, où vivaient les siens, tout ce qu?il avait de cher sur terre, dont il était si loin ; et en plaisantant, dans son patois béarnais, que je ne suis plus bien sûr de me rappeler exactement, il ajoutait : "Couan siyi tournat a nousté, qué sioularéy, dou soum dé?quère mountagne lahore, lou méy béroy dous bos érts dé rounde, é qué mé réspounérat dap lou boste pifre ; selemén qué pouyram bouha hort é ha dé bét siouléts tout dus pourmou né séram pas méy proche é proche, coum ém ouéy[2]... »
[1] Arnaudin se laisse ici un peu aller à sa ferveur poétique en exagérant quelque peu l?étendue du panorama. On ne voit les montagnes qu?à partir du massif du Vignemale, parfois à partir du pic du midi de Bigorre.
[2] « Quand je serai revenu chez moi, je sifflerai, du sommet de cette montagne là-bas au loin, le plus joli de vos airs de ronde, et vous me répondrez avec votre fifre ; mais nous pourrons souffler fort et faire de grands sifflements tous les deux parce que nous ne serons plus proches l?un de l?autre, comme nous le sommes aujourd?hui. »